Histoire d'un précédent qui a fait pschiiittt…
L'histoire des privatisations de services municipaux à Laval a bizarrement toujours été le fait de municipalités de gauche. Rendons exceptionnellement un furtif hommage à M. d'Aubert : lui a plutôt eu tendance à municipaliser.
C'était en 1992 : M. Garot avait alors 25 ans et sortait de Sciences Po.
En cette fin de 2ème septennat de François Mitterrand, la gauche s'était convertie à l'Europe libérale et ne parlait plus de nationalisations. Bernard Tapie était le ministre de la Ville. C'était aussi l'époque où la vie politique était largement influencée par les affaires de financement précisément liées à l'attribution de marchés ou de délégations de services publics. Cabinets d'études et intermédiaires étaient souvent à la une des journaux : Urba, Sages, Gifco, Méry...
Fréquemment, dans les collectivités locales, aux sorties des commissions officielles d'appel d'offres, certains élus se précipitaient sur le téléphone pour la petite commission…
Des juges courageux se heurtaient au milieu politique : Thierry Jean-Pierre, Renaud Van Ruymbeke, Eva Joly... C'était il y a bien longtemps…
Dans ce contexte, qui n'avait évidemment rien à voir, des grosses têtes nouvellement arrivées à la mairie de Laval avaient susurré à l'oreille des élus de l'époque qu'il y avait urgence à se mettre aussi aux privatisations, surtout que le durcissement des textes et réglementations se profilait à l'horizon.
La rumeur s'était amplifiée à l'automne 1992 d'une possible privatisation du service Eau – Assainissement. Le maire de l'époque avait donc décidé de publier un communiqué de mise au point. Une intersyndicale se constituait alors au sein des services municipaux et les organisations publiaient des études fort intéressantes sur les dangers de ces pratiques.
Les syndicats faisaient également appel aux usagers, les mettant en garde contre les risques des privatisations.
En cette fin 1992, la bataille fut rude. La composante écologiste de la majorité municipale de gauche ("Génération Écologie") prenait position contre la privatisation et réclamait un référendum. Les associations de consommateurs comme Asseco CFDT exigeaient également une consultation de la population.
Le 18 décembre 1992, de 11h à 12h, des centaines d'agents municipaux se réunissaient devant la Mairie avec banderoles et véhicules, bloquant tout le centre-ville.
Ouest France notait : "de mémoire de manifestants, c'était leur premier conflit depuis… 1968".
Une délégation rencontrait le Maire mais n'obtenait pas de réponse satisfaisante. Ouest France exprima bien l'inquiétude des agents : "qui nous garantit que les 57 personnes des services, après avoir été intégrées dans le privé, ne seront pas virées au bout de 6 mois ?".
La partie de bras-de-fer se terminait fin avril. Réunis en commission plénière, le jeudi 22 avril 1993, les élus de la majorité de gauche renonçaient finalement à ce projet. Les lavallois n'ont eu qu'à se féliciter de ce choix qui a permis à la fois de conserver des tarifs très raisonnables et d'assurer la maintenance et la modernisation des installations de production et de traitement, et des réseaux. Désormais, de nombreuses villes, dont Paris, mettent en oeuvre le retour au service public.
Le Vecteur Libre et Indépendant vous remet à chacun, en fichier joint PDF(avec signets), le dossier complet de ce conflit exemplaire, rebaptisé "histoire d'O".