CHAUFFE, MARCEL !
Laval Agglomération a donc désormais un nouveau Directeur Général des Services : il s'agit de Marcel Thomas, nommé administrateur par le Président d'Aubert puis DGS par le Président Garot. Il comble ainsi le vide laissé par le départ de Jean-Pierre Bonet.
Un pavé dans la mare...
Marcel n'était pas donné gagnant et il a dû se battre pour arriver là.
Si d'Aubert avait été réélu, la place serait probablement revenue au DGS de la Ville, Jean-Jacques Delory. Et Marcel avait en interne un concurrent sérieux en la personne de Marc Lamare, homme de confiance des maires de Laval successifs.
D'Aubert n'avait pu finalement se résoudre à choisir entre ses fidèles, et l'incertitude subsistait donc entre les prétendants. Depuis, d'Aubert a disparu.
Ces derniers temps, Guillaume Garot vantait beaucoup les mérites et les qualités de Marc Lamare, et donc il a nommé Marcel Thomas…
Le plus pragmatique des deux, peut-être aussi le plus subtil, l'a finalement emporté.
Tout recrutement externe a été écarté au profit d'une solution locale, bien enracinée, bien de chez nous : la terre ne saurait mentir, ça rassure en haut lieu…
Marcel, un homme de communication…
Marcel a commencé ses fonctions à la Ville de Laval au service du Conseil municipal qu'il dirigea pendant plusieurs années. Puis, en 1988, sous l'impulsion d'un conseil extérieur en communication, M. Guland, la municipalité de gauche décida, dans la perspective des élections municipales de 1989, de communiquer massivement en externe et en interne. Marcel était alors le responsable de la communication auprès d'André Pinçon. Il suivit des cours et obtint un DESS d'administration locale.
Dans ce cadre, il publia un mémoire remarquable dans lequel il fit part de son expérience professionnelle lavalloise, sous le titre : "La gestion d'un service municipal communication et action économique – exemple de la Ville de Laval". Ce document, aujourd'hui introuvable, le Vecteur Libre et Indépendant a pu se le procurer. Il mérite qu'on s'y arrête pour découvrir la face cachée, mais pour nous très sympathique, du personnage : hé oui ! Marcel est un contestataire ! Ce mémoire était une analyse rigoureuse et sans concession de la nouvelle politique de communication de la municipalité de gauche de l'époque. Si le Vecteur avait existé voici 20 ans, nous l'aurions publié.
Marcel, le rebelle
Dans son mémoire universitaire de 96 pages très documentées, Marcel taillait en pièce la communication de la gauche municipale du temps d'André Pinçon. Il y témoignait avec lucidité des difficultés à instituer, et surtout pérenniser des moyens d'information efficaces, même avec le recours à des "professionnels".
Ainsi, l'expérience de la "lettre du Maire" (page 30), bulletin municipal publié en 1988 :
"Un sondage effectué auprès de 400 lavallois représentatifs, au début de 1987, faisait ressortir l'image d'une équipe municipale usée, en place pour ses principaux ténors depuis 1971 ou 1977. Le Maire y apparaissait également trop éloigné des habitants" observait-il.
Il fut alors décidé de modifier cette image de marque :
"Le conseil en communication, appelé pour l'année précédant les élections municipales, préconisa une publication mensuelle pour permettre au Maire de s'adresser directement aux lavallois" et où "chaque président de commission (six) disposa de 4 ou 8 pages pour y faire l'éloge de ses réalisations".
Mais, pour Marcel, le résultat ne fut pas satisfaisant : "On en arriva à une lettre du Maire touffue, composée de tribunes où les élus se faisaient plaisir, parsemée de photographies où systématiquement figuraient le Maire ou les principaux adjoints...".
De même, pour l'expérience du "téléphone vert" :
"Une forte publicité... annonçait que les lavallois, en composant tel numéro, pouvaient dialoguer directement avec le Maire tous les vendredis de 16 h à 18 h... L'idée d'un dialogue direct du maire avec les habitants, intéressante en soi, a vite connu l'échec pour plusieurs raisons. Au fil des semaines, le maire a de plus en plus souvent "déserté son poste". Par ailleurs, les gens se sont vite aperçus que leurs problèmes n'étaient pas résolus plus vite pour autant, parce qu'il n'y avait pas de solution ou parce que la Ville ne s'en était pas donné les moyens…" (page 33). "Pris pour un gadget..., ce système fut abandonné".
De même, furent abandonnés "les rendez-vous mensuels avec la presse" :
"Un seul rendez-vous eut lieu en décembre. Les vacances de Noël différèrent celui de janvier. Puis, l'approche de la campagne des élections municipales entraîna une suspension. Depuis les élections, le Maire s'estimant injustement attaqué, à intervalles réguliers, n'a pas souhaité renouveler l'expérience, bien que certains journalistes attendent sa reconduction…" (Page 34).
Cet ouvrage de Marcel THOMAS fourmille de mille révélations. Ainsi, concernant le fonctionnement du Conseil Municipal et des commissions (page 47) : "Si Les grandes décisions sont prises en séance publique du Conseil Municipal selon les dispositions du Code des Communes, chacun des dossiers est préalablement examiné en commission. Ces commissions comprenant des membres de la Majorité et de l'Opposition ont un rôle purement consultatif. Le véritabLe travail de préparation a eu lieu auparavant, parfois en commission restreinte ne regroupant que les membres de la Majorité…".
Marcel racontait aussi le "recours à des consultants ou prestataires extérieurs" (page 66) : "Pendant l'année qui a précédé les dernières élections municipales, la ville de LAVAL a eu recours à un Conseil en Communication. Arrivé à Laval en raison d'affinités politiques, il s'est un peu intéressé à la communication interne mais a surtout privilégié l'information municipale".
Bref, un ouvrage passionnant, très lucide et dénué de toute langue de bois, qui a gardé toute sa fraîcheur... A l'image d'un Saint-Simon relatant la cour de Louis XIV, Marcel peut ainsi être un redoutable observateur de ce qui l'entoure. Il a su longtemps exprimer courageusement sa fibre contestataire. Nous attendons d'ailleurs avec impatience son prochain ouvrage qui devrait bien logiquement concerner la période suivante (et la cour…), celle de François d'Aubert… en attendant sans doute le tome 3 consacré à Guillaume Garot…
20 ans après : Marcel et le parfum discret de la bourgeoisie
Avec l'arrivée du marseillais Michel de Benedetti début 1993, Marcel quitte la communication et se consacre pleinement au "développement économique". Il passe ensuite à l'agglomération lors du transfert de cette compétence et prend la tête de "Laval développement", le service économique de la Communauté.
Vient l'élection de François d'Aubert en 1995. Comme de nombreux proches d'Yves Patoux, l'ancien maire PS, pour Marcel, l'heure est à l'adaptation.
Marcel découvre alors un monde nouveau. Et il fréquente le grand monde. Il devient l'homme de confiance de Jean Héaumé, le chef local du patronat et de l'UIMM. Il fluidifie ainsi ses relations avec les chefs d'entreprise, petits et grands. Il participe aux réseaux, comme les "Business Angels". Pour le monde patronal, il devient un Interlocuteur.
C'est l'aventure économique, avec ses succès et ses désillusions. Un monde impitoyable, où il faut savoir endiguer l'euphorie des annonces d'implantations, relativiser le nombre des promesses d'embauches, soupeser l'opportunité des aides publiques, et encaisser les déconvenues. L'affaire de la SAVCOR en est le plus bel exemple…
Un visionnaire
Marcel a une vision bien arrêtée de l'image de Laval. Il l'exprimait dans l'Express du 1er novembre 2004 :
«Laval souffre d'une absence d'image, admet Marcel Thomas, directeur de Laval Développement, l'agence économique de la communauté d'agglomération. Les exploits de l'équipe de foot et la présence d'un ministre ont accru notre notoriété, mais il reste des progrès à faire.»
Malheureusement, ces deux atouts ont momentanément disparu…
De même, dans la brochure "l'Année économique de l'Ouest" spécial 2007, Marcel livrait sa vision de l'avenir industriel sur le secteur de Laval :
"Entre SAFR à Entrammes, Flextronics, les Coutils de Laval et Géodis à Laval, ce sont plus d’un millier d’emplois industriels qui ont disparu fin 2005. Mais le responsable du développement économique reste confiant. « Nous aurons reconstitué plus de la moitié des emplois dans les trois ans à venir », indique Marcel Thomas."
Bien sûr, Marcel n'avait pas anticipé la crise financière et économique de la fin 2008, mais, après tout, il n'est pas le seul dans le monde à n'avoir rien vu venir…
Marcel, de Laval
Marcel est devenu un notable. Il devient même, à titre privé, Président du Crédit Mutuel des Trois Croix, ce qui revient à en porter une (de croix) par ces temps de crise financière…
Fini la CFDT, Marcel est désormais membre actif et candidat du Syndicat huppé des Directeurs Généraux (rien à voir avec la classe ouvrière !), organisation corporatiste si efficace par son lobbying auprès des élus nationaux pour la défense et surtout l'augmentation des avantages acquis de quelques uns.
En mars 2008, la chute du système d'Aubert l'a amené à s'adapter de nouveau, mais il le fait avec beaucoup de talent. Et surtout, contrairement à ses concurrents, Marcel a su anticiper, un peu…
Il a su mettre en évidence sa technicité, sa disponibilité, son savoir-être, son savoir faire... Et c'est le jackpot : Marcel sera l'homme du consensus au sein de l'agglomération.
Alors, tous ensemble, nous pouvons reprendre le refrain : Droite – gauche, droite – gauche, "...dans la troupe, y a pas d'jambes de bois. Y a des nouilles, mais ça n'se voit pas…la meilleure façon d'marcher, c'est de mettre un pied d'vant l'autr', et d'recommencer…".