À compter de ce jour,
il est "dispensé d'assurer une présence physique et de toute tâche"
(c'était son expression dans une lettre du 21 août 1998 aux fonctionnaires qu'il avait contribué à mettre en surnombre ).
Ce 23 novembre, Jean-Pierre Bonet fait son pot d'adieu et, surtout, il rend ses clefs (celles du logement de fonction, celles de la voiture de fonction). Directeur général des services de la Mairie, puis de Laval Agglo, il met ainsi fin à un parcours
"exemplaire".
Ce fils d'artisan boucher, aîné d'une famille de trois
enfants, est né le 4 novembre 1947 à Compiègne. Il avoue lui-même avec humilité (un trait essentiel de son caractère, comme le confirme le mur de médailles, plus de 200, qui ornait son bureau à la mairie, lui donnant le style d'un PC organisateur d'un comice agricole avant la distribution des prix...) : "Ma jeunesse a été calme et heureuse mais dès la classe de quatrième, ma démarche scolaire a besoin d'être encadrée..."
Il est alors mis "en pension au Saint-Esprit" (Ceci explique probablement la persistance de la béatitude dans son éternel sourire satisfait...).
Un homme de presse, le parrain du Vecteur Libre et indépendant
Après son bac philo, il pense alors "s'orienter vers le journalisme".
Il a eu depuis l'occasion d'exercer ses talents dans ce domaine au travers de la presse municipale lavalloise. Directeur de publication du bulletin interne "Services compris" (rebaptisé par des esprits subversifs "serviles compris" !), il réussit à le faire disparaître dès 1996, à la suite d'une série de censures : les espaces blancs dans la page des tribunes syndicales finissaient par gagner tout le journal.
Il fut ainsi le parrain du Vecteur Libre et Indépendant ! Nous sommes fiers de vous l'avouer : c'est Jean-Pierre qui a inventé le nom de notre organe : le "Vecteur" ; dans une lettre de refus de parution d'un de nos articles, il nous conseillait de le publier dans nos propres "vecteurs". 8 jours après, le Vecteur Libre et indépendant était né et il lui survivra...
Il fut ensuite, fin 1997, le créateur d'un nouveau bulletin interne : LAval Municipaux, dit le LAM (mais aussitôt appelé LA M...). Il s'agissait, sur injonction de d'Aubert, de faire en sorte que le Vecteur ne soit plus, de fait, le seul bulletin en circulation dans les services. Son premier numéro, qu'il baptisa (à juste titre d'ailleurs) le n° 0, fut son oeuvre personnelle : il comptait 33 fautes d'orthographe et était illustré par des photos vieilles de 10 ans (avec des agents partis en retraite depuis longtemps !). Ce fut la rigolade dans les services municipaux. Mais cette création ne fut qu'un temps sa créature, car une nouvelle chargée de communication interne courageuse, Catherine Delage , en fit un véritable outil d'information, de pédagogie et de convivialité.
Jean-Pierre saura aussi veiller à l'épanouissement de la presse municipale grand public et de son organe central "Laval infos", dans lequel des pages d'histoire passionnantes feront couler beaucoup d'encre et de salives : ainsi l'éloge des écrivains maudits (Alphonse de Châteaubriant, Maurras, Drieu La Rochelle...), dans les n° 55 et 56 de Laval infos de novembre et décembre 2000.
Une carrière municipale débutée par hasard, au bas de l'échelle...
Mais un drame économique frappe Jean-Pierre et sa famille et l'empêche de poursuivre une carrière dans la presse :
"Il se trouve qu'à l'époque la boucherie paternelle a subi, de plein fouet, la concurrence d'une grande surface (Pas rancunier envers le capitalisme sauvage, Jean-Pierre a adhéré bien plus tard à Démocratie Libérale). Même si j'étais inscrit à la fac de droit d'Amiens, je ne voulais pas rester une charge pour mes parents. L'occasion de faire bouillir la marmite s'est présentée sous la forme d'un remplacement d'un agent féminin de bureau auxiliaire à la mairie de Compiègne, partie en congé maternité. J'avais 20 ans, j'aurais accepté n'importe quoi !". Ce "n'importe quoi" (nous le remercions de qualifier ainsi le travail des agents municipaux...), marqua donc le début de sa carrière dans la fonction publique territoriale, dont il aura gravi tous les échelons, jusqu'aux plus rémunérateurs, "sans être pour autant carriériste". Et dans la foulée, il est reçu au concours de commis.
C'est alors que, en 1970, Jean-Pierre fonde un foyer. Il épouse Martine, une infirmière, et aura 3 enfants (Cécile, François et Emmanuel). "
J'étais un jeune marié plutôt bosseur : ma femme allait se coucher et je restais seul avec mes Dalloz et mon Duverger" : il devait quand même avoir l'esprit ailleurs...
Mais trop absorbé par son travail de mairie, Jean-Pierre devra arrêter ses études juste avant la licence.
Le 1er avril 1973, il intègre les services du syndicat de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise.
Jean-Pierre subit alors un nouveau revers : il rate deux fois l'entrée à l'ENA après deux années en prépa. Il ne sera pas préfet (mais il en aura quand même quelques attributs matériels en fin de carrière, comme nous le verrons...).
Il fut, bien évidemment, un adepte de la fameuse école de Fontainebleau qui forme les "managers" de la fonction publique locale.
Il reste donc à Cergy jusqu'en 1989. Mais l'alternance politique se produit, et le parti socialiste arrive aux affaires. Le nouvel élu, Alain Richard, lui envoie une lettre recommandée le 10 novembre 1989, lui demandant de "quitter les lieux le 1er décembre".
Il est alors recueilli par Gilles de Robien, le maire d'Amiens, où il devient DGA des services centraux à compter du 1er mars 1990. En 1995, lors des élections municipales, il guette la possibilité de retourner à Cergy, mais la gauche est reconduite.
Gilles de Robien lui fait alors comprendre "qu'il connaît de nouveaux collègues qui sont à la recherche d'un secrétaire général"...
C'est ainsi que la mairie de Laval en hérite le 4 décembre 1995.
Sur Amiens, Jean-Pierre est intarissable. Il peut en parler pendant des heures. Dans ces moments-là, c'est radio-nostalgie !!!
En fait, dans la réalité, Amiens a défrayé la chronique judiciaire pendant plusieurs années en raison de conflits répétés entre M. de Robien et les organisations syndicales du personnel (pour les juristes, voir les nombreux arrêts du Conseil d'Etat condamnant la Ville d'Amiens : Arrêt n° 154111, du 16 janvier 1998 ; Arrêt n°161334 en date du 21 avril 2000...).
Voilà des dossier que JPB, par sa fonction, a bien connu. Et pourtant, il a renouvelé à Laval les erreurs commises par la Ville d'Amiens. Il n'en a manifestement tiré aucune leçon...
"J'ai une certaine propension à mobiliser les équipes sur leur propre façon de fonctionner plutôt que de vouloir plaquer ici des solutions qui ont fonctionné à Amiens ou ailleurs"... nous dira-t-il pourtant un jour.
LAVAL : une arrivée tonitruante...
Dans la Gazette des communes du 4 mars 1996, un article intitulé "Zoom sur JP Bonet" signalait l'arrivée en fanfare du Secrétaire Général et ses projets en matière de politique du personnel. A l'époque, JPB clamait haut et fort, dans cette revue à l'audience nationale, qu'il y avait à la Ville de Laval " 400
emplois à supprimer", tout un programme...
Heureusement, grâce à l'action vigoureuse de Force Ouvrière, ce programme a été compromis et le Secrétaire Général prié par son donneur d'ordre, d'Aubert, d'agir de manière plus discrète.
Alors la grande activité de JPB, de 1998 à 2001, sera la mise en place d'un nouvel organigramme : il y en aura 7 moutures différentes, dont plusieurs sanctionnées par la justice, ou retirées juste à temps, ou jamais mises en application car une autre était déjà en préparation.
Ce sera la fameuse affaire des surnombres, en 1998 et 1999, tendant à l'élimination de plusieurs cadres représentants et militants FO et du directeur de la culture. Il seront tous réintégrés dans leurs fonctions par la justice.
Relisez le dossier complet : l'affaire des surnombres.
Dans cette affaire de règlement de compte contre Force Ouvrière, Jean-Pierre aura dépensé beaucoup d'énergie, en vain. Ce sera pour lui, mais surtout pour
d'Aubert, un cuisant échec.
Comme son patron, il eût été plus avisé de se concentrer un peu plus sur la gestion municipale : par exemple sur l'affaire du fameux trou de Laval-spectacles qui a débuté
alors qu'il était en fonction. Il a sauté l'obstacle sans même s'en apercevoir...
Pourtant, dans Ouest France du 29 décembre 1995, il définissait ainsi son rôle : "Mon rôle est d'éclairer les choix des élus, de mettre en forme leurs idées, de savoir quels acteurs il faut mobiliser pour atteindre des objectifs donnés".
Un bon vivant...
Jean-Pierre Bonet a de nombreuses passions dans la vie : "Je suis chasseur et pratique le ball-trap. J'aime également beaucoup la pêche au brochet ou à la truite. J'ai aussi pratiqué le cheval. J'aime également la vie de famille et la lecture, notamment les livres de San Antonio pour la détente, et tout le reste de la littérature car en ce domaine, je suis assez boulimique" nous confie-t-il.
Mais sa vie professionnelle est bien organisée : c'est presque, pour ce scorpion ascendant balance, un "art de vivre", où tout se serait bien
passé si ce ne fut des engueulades régulières de la part de François d'Aubert lorsqu'il était à la mairie de Laval. L'Agglo, de ce point de
vue là, c'est quand même plus calme, et son successeur à la Mairie pense
comme lui...
Il aime recevoir dans son bureau, où la convivialité et le whisky coulent à flot. Il sait prendre son temps pour causer, évoquer des souvenirs, ce qui le rend
si attachant. Son compère et voisin de bureau, Jean-Michel Le Duigou, un bon vivant lui aussi, dont nous reparlerons, le suivra bientôt pour une retraite bien méritée...
Un homme économe, qui a su préparer son retour à la vie normale
Pour sa retraite, Jean-Pierre a été prévoyant :
il a cotisé à la Préfon, d'autant que ces dernières années, depuis 1996, son salaire était essentiellement son argent de poche. L'agent municipal de base, qui a bien du mal à boucler ses fins de mois, doit, lui, se contenter de la CNRACL.
La tête près du BONET...
Le système d'Aubert, aux frais du contribuable lavallois, a été en effet très généreux avec ce fidèle serviteur.
Outre son confortable salaire, Jean-Pierre a
bénéficié, de quelques "petits à côtés" qu'il va devoir supporter désormais, revenant ainsi à une vie plus ordinaire, à savoir :
Un logement dit "de fonction" gratuit de 157 m2, au
11 rue Gaultier de Vaucenay ;
Et comme il est très bavard dans la vie,
chacun se souvient que pour le seul exercice 1996, en téléphone à son domicile, il avait dépensé la coquette somme de 12 261,37 F , payée par le contribuable !
Lors de son départ de la Mairie, des collègues lui avaient offert le CD de l'inté
gralité de la collection du Vecteur Libre et Indépendant.