La "ville - jardin" est en marche...
Triste spectacle que donne le square de Boston, après l'abattage de 25 platanes centenaires. Un projet "bobo", monté par un architecte parisien, va venir remplacer la superbe allée plantée voilà plus de 100 ans, qui était pourtant protégée par une ZPPAUP. Nos correspondants au service des espaces verts ont enquêté.
Un espace protégé
Rappelons les faits : depuis 30 ans, les projets se sont multipliés pour cet espace important du centre-ville (construction d'une mairie sur pilotis dans les années 70, création d'une nouvelle allée d'arbres, jardin à la française, vaste projet des années 80 dont ne subsiste que la halte fluviale…).
Mais la magnifique allée de platanes, appelée "Promenade de Changé", était un élément majeur du patrimoine paysager de la ville de Laval, formant un ensemble cohérent depuis le Pont Aristide Briand jusqu'au viaduc, dans la continuité du quai Gambetta.
Cet espace boisé était strictement protégé par un règlement intitulé ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager), arrêté par le préfet après enquête publique et délibération du Conseil municipal en juin 2005 (votée même par M. Garot, alors dans l'opposition). Cet alignement constituait un "mail d'arbres alignés, arbres remarquables en raison de leur fonction structurante dans le paysage lavallois". Le même règlement énonce :
"Ceux-ci doivent être conservés et entretenus. En cas d'état sanitaire dûment justifié, ils peuvent être remplacés soit par des essences similaires, soit par des essences locales adaptées au lieu (port, type de feuillage)."
L'Architecte des Bâtiments de France avait donc fort logiquement émis un avis défavorable à l'abattage de ces magnifiques arbres, dans le cadre de l'instruction de la demande déposée par Guillaume Garot.
Devant le forcing de M. Garot, il est également intervenu courageusement dans les médias pour rappeler que la règle s'applique à l'État, aux particuliers et aux élus (qui sont tenus d'être exemplaires !) :
"Le règlement s'applique à tout le monde : aux élus comme aux services de l'État, notamment pour les déboisements" (Ouest-France du 28 octobre 2010). Il énonçait là, tout simplement, ce que prescrit l'article L 642-9 du Code du patrimoine.
Cette position ferme a valu à ce fonctionnaire exemplaire, soutenu par sa hiérarchie et par le préfet, de subir la fureur de Guillaume Garot, vendredi 5 novembre, lors de l'inauguration de la rénovation du portail de l'église des Cordeliers. Une litanie fort désagréable dont s'est fait l'écho le Courrier de la Mayenne dans son édition du 11 novembre.
Côté concertation, des amis de Guillaume Garot racontent que le projet aurait été "validé" lors de réunions de quartier. En fait, personne dans la population n'avait réalisé, ou même envisagé, l'abattage de tous les arbres (sauf 5) et leur remplacement par des arbustes en pot.
Le projet présenté dans le bulletin municipal n°20, de juillet-août 2010, ne parlait d'ailleurs pas de cet abattage massif, que l'on ne pouvait même pas déduire facilement de la photo virtuelle présentée.
Les proches du maire disent aussi que "beaucoup d'arbres sont malades et d'autres ont été abîmés par l'installation répétée des forains" (Ouest-France du 12 octobre), ce qui est faux ! Un diagnostic satinaire et parasitaire fait seulement état de quelques arbres à remplacer et précise dans sa conclusion (Page 9) : "A noter que l'espérance de vie de ces arbres peut être encore longue, 45 à 50 années, à condition de mettre en oeuvre tous moyens adéquats à leurs préservations !".
La réglementation de cet espace boisé oblige à les remplacer par une essence de même port. Un de nos collègues du Service des espaces verts fait d'ailleurs justement remarquer avec humour : "Quand une dent est malade, on n'arrache pas toute la bouche !". Le même agent raconte sa tristesse et celle de collègues en constatant le très bon état sanitaire de la plupart des arbres abattus. C'est le coeur serré qu'ils ont dû obéir aux ordres du maire. Et d'autres abattages ont eu lieu ou sont prévus dans d'autres quartiers de la ville...
De nombreux lavallois s'interrogent sur la valeur des engagements de Guillaume Garot qui proclamait, dans son éditorial du bulletin municipal n°18, en mai 2010, sa volonté de faire de Laval "une ville exemplaire pour l'écologie":
"L'écologie urbaine se décline enfin à Laval à travers la "ville-jardin". Nous rénoverons dans quelques mois le square de Boston et le site St-Tugal, à la place de l'ancien cinéma le Maine. L'objectif est de redonner à la nature toute sa place dans notre ville".
Et chacun de pointer la contradiction avec le caractère très minéral du projet de Guillaume Garot, le remplacement des arbres abattus par des bacs d'arbustes, enlevés lors de manifestations ou fêtes. Enfin, certains ne peuvent s'empêcher de souligner que l'espace de la place St-Tugal est depuis 3 ans une friche peu esthétique dans le centre-ville.
Depuis la publication du projet dans Ouest-France, le 10 novembre 2010, des mères de familles font aussi observer que la suppression de la haie et du portail en bordure de la rue rendra les lieux peu sûrs pour des enfants qui viendraient à échapper à la vigilance de leurs parents.
Une démarche citoyenne
Si le Préfet, une fois de plus, a paru très "souple" dans ce dossier, pour ne pas froisser le député-maire, c'était compter sans la vigilance citoyenne de l'Association des Amis du Vieux Laval qui a fait de la protection du patrimoine de notre ville le cœur de son combat.
Des tracts et des affiches ont été diffusés dans la population, chez les commerçants. Une pétition a recueilli 1 500 signatures en quelques jours. Un site internet a diffusé chaque jour des informations, sous le titre "l'écho des platanes", et a mis l'intégralité du dossier en ligne, pour que chacun puisse en juger, donnant ainsi une belle leçon de transparence démocratique à la Mairie.
Il faut dire que l'Association a eu bien des difficultés pour obtenir communication du dossier par Guillaume Garot : "La mairie essaie de gagner du temps pour nous empêcher d'agir", constatait d'ailleurs son président, Guy Juillet, dans Ouest-France du 28 octobre 2010. Dans le même temps, Guillaume Garot faisait accélérer le chantier...
Enfin muni de ce dossier, le président de l'association avait donc engagé des actions judiciaires, mais les demandes de référés pour suspendre la destruction des arbres n'ont pas été retenues par le juge, qui n'a pu que constater, dans une ordonnance rendue le 25 novembre 2010, que tous les arbres ont été abattus, et qu'il n'y avait donc plus d'urgence ! Mais l'affaire sera jugée au fond dans quelques mois, et Guillaume Garot pourrait bien être obligé de replanter !
Un projet un peu spécial…
Lors des élections municipales de mars 2008, Guillaume Garot avait présenté, dans son journal électoral, des esquisses architecturales bien élaborées, manifestement œuvre d'un professionnel, pour la création d'un "halage flottant" le long de la Mayenne. Un certain scepticisme dans la population, ajouté aux difficultés financières de la Ville, semblaient avoir ensuite entraîné un report sine die de ce projet. Le réaménagement du Square de Boston, mis en oeuvre aujourd'hui, semble toutefois s'inscrire, en quelque sorte, comme une première étape, dans la continuité du projet présenté aux électeurs en mars 2008. D'ailleurs, Guillaume Garot tente de faire financer des structures flottantes par le budget de l'agglomération (Ouest-France du 30 novembre 2010)…
L'architecte parisien "XLGD et associés", auteur du projet unique, sans présentation d'options ou d'alternatives, semble avoir quelque peu négligé l'analyse préalable de la réglementation qui empêchait l'abattage. Peut-être un architecte local aurait-il été plus attentif au contexte lavallois ?
Ajoutons à cela que les services techniques de la Ville ont été soigneusement tenus à l'écart de la préparation et de la réalisation de ce projet.
Un vert et des dégâts.
Beaucoup y voient un paradoxe ! Claude Gourvil, l'adjoint aux espaces verts est un élu... des Verts ! Il aura ainsi marqué durablement de son empreinte écologique le paysage urbain de Laval...
Il a dû soutenir ce projet de "massacre à la tronçonneuse" !
Mais ses interventions publiques pour tenter de contrer l'action des Amis du Vieux Laval et l'Architecte des Bâtiments de France ont été particulièrement contre-productives.
Ainsi, dans Ouest-France du 12 octobre, Claude Gourvil, aujourd'hui surnommé "le bûcheron" dans les couloirs de la mairie, déclarait : "Nous ne voulons pas maintenir une ville dans une position passéiste". Puis, dans le Courrier de la Mayenne du 21 octobre : "Une ville n'est pas faite pour être figée".
Comme le fait remarquer un vieux commerçant du centre ville, avec un tel raisonnement, il n'y aurait plus de patrimoine. C'est ainsi qu'une rumeur de rachat des bateaux-lavoirs par la Ville du Mans, stockés depuis un an et demi sur un terrain route de l'Huisserie, a dû être fermement démentie par l'adjoint à la culture (Ouest France du 9 décembre 2010).
Surtout, certains propos de Claude Gourvil laissent songeurs dans un état de droit. Concernant le respect du règlement de la ZPPAUP, il déclarait, dans le Courrier de la Mayenne du 21 octobre 2010 : "Des négociations sont en cours entre la mairie et les services de l'Etat".
Mais le respect d'une législation, d'une réglementation ne se négocie pas ! Ce respect est le fondement de la fonction publique. A l'éducation nationale, l'élève négocie-t-il le programme du bac ?
Une mauvaise affaire bien... durable
Au final, c'est une bien mauvaise opération pour Guillaume Garot : un manque de transparence et de dialogue, une certaine propension à ne pas respecter un règlement, une mise à l'écart finalement contre-productive des services municipaux comme des professionnels locaux, une réaction citoyenne exemplaire et sympathique, l'aspiration de nombreux habitants à vouloir une authentique démocratie locale qui ne se limite pas seulement, réunion après réunion, à des problèmes certes importants pour la vie quotidienne (crottes de chiens, jeux pour enfants...) ou qui répondent à des besoins fondamentaux (toilettes publiques...) : les lavallois veulent manifestement participer réellement à la réflexion sur des grands projets d'avenir pour notre ville.
Le virtuel et le réel...
Incroyable !!!
Sans doute pris de remords, Guillaume Garot fait projeter des images d'arbres sur la mairie et le Centre Administratif Municipal !
Eh, Guillaume !
Les arbres, on les préfère en vrai !!!